Bordeaux le 02/02/2012 ( OMD 2015) - La qualité médiocre des campagnes de vaccination d’urgence et la faible
couverture de la vaccination systématique ont permis au virus de la
poliomyélite de se propager au Tchad, où 132 cas ont été signalés en
2011 – soit cinq fois plus qu’en 2010. Selon les agences humanitaires,
toutes les parties, et particulièrement les autorités locales, doivent
renouveler leur engagement pour assurer des campagnes de vaccination
efficaces.
L’épidémie qui touche actuellement le Tchad a débuté en 2007, le pays est donc classé comme « une zone de transmission re-établie » selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La polio est endémique au Nigéria, au Pakistan, en Inde et en Afghanistan – en d’autres mots, la transmission de la maladie n’a jamais été interrompue dans ces pays.
Si la faible couverture vaccinale systématique est due au mauvais fonctionnement du système de santé, « la principale raison [de la flambée] reste opérationnelle », a dit Oliver Rosenbauer, porte-parole de l'Initiative mondiale pour l'éradication de la poliomyélite de l’OMS à Genève. « Elle n’a rien à voir avec l’insécurité ou le manque d’infrastructures … La réponse à l’épidémie n’a pas été suffisante pour y [l’épidémie] mettre fin … Beaucoup trop d’enfants continuent d’échapper à la vaccination ».
Pourquoi des enfants échappent à la vaccination
Les vaccinateurs ont du mal à atteindre tous les enfants à vacciner pour différentes raisons : dans certains cas, le personnel ou les bénévoles du gouvernement et des agences ont mal cartographié les zones où les enfants vivent ou ils ont commandé trop peu de vaccins ou trop peu d’accumulateurs de froid pour pouvoir couvrir chaque district, a indiqué l’OMS. Souvent, les communautés ne sont pas sensibilisées correctement et à temps, si bien que les familles sont réticentes à amener leurs enfants ; certaines familles s’opposent à la vaccination pour des motifs religieux, ou elles ne savent tout simplement pas qu’elles peuvent faire vacciner un enfant même si il ou elle est malade, a dit Irina Dincu, spécialiste de la communication pour le développement de l’OMS et de l’UNICEF en Afrique de l’Ouest.
L’erreur humaine joue également un rôle, a ajouté Mme Dincu, expliquant qu’un vaccinateur mal formé peut décider de faire une pause en route et ainsi briser la chaîne du froid, ou une équipe peut oublier quelques maisons dans un village.
Une épidémie du virus de la polio ne se propagerait pas autant si la couverture vaccinale systématique était plus efficace, a dit M. Rosenbauer. Les vaccinations contre la polio doivent être effectuées avec rigueur : les vaccinateurs doivent se déplacer de maison en maison et administrer quatre doses à chaque enfant sur une période de six à 12 mois, atteignant ainsi 90 pour cent de tous les enfants pour éradiquer la polio, selon l’OMS.
Selon les estimations, les taux de couverture s’élèvent à 60 pour cent au plus au Tchad, notamment en raison de la qualité médiocre du système de santé : seulement 30 pour cent des cliniques de santé du pays sont opérationnelles ; l’accès aux soins de santé est faible et les stratégies de vaccination systématiques sont mal planifiées.
L’approche de la marraine
Afin de garantir qu’un maximum d’enfants soient vaccinés, les vaccinateurs doivent faire une meilleure utilisation des « données sociales » pour comprendre pourquoi et où une campagne ne fonctionne, indique Mme Dincu. Auparavant, les agences avaient une approche purement médicale de la vaccination contre la polio, mais cela n’est plus le cas aujourd’hui. « Les campagnes de vaccination ne sont pas seulement une intervention médicale. Les campagnes doivent être abordées sous un angle médical, politique et sociétal », a dit M. Rosenbauer.
Les données sociales ont été utilisées de manière créative en Inde et au Nigeria afin d’aider les vaccinateurs à atteindre davantage d’enfants, selon l’UNICEF. Dans l’État de Kebbi, au Nigeria, chaque foyer s’est vu assigner une « marraine » qui venait régulièrement avant la vaccination pour parler de la maladie et expliquer pourquoi la vaccination est importante. En étudiant les données après la vaccination afin de trouver les enfants qui n’avaient pas été vaccinés, les « marraines » étaient capables de les identifier par leur adresse, leur nom et leur âge, et de les retrouver plus facilement.
Ces approches pourraient être mises en œuvre au Tchad, disent les practiciens, car en dépit de la faiblesse du système de santé, la polio ne devrait pas être si difficile à contrôler, dit M. Rosenbauer. « Nous n’avons pas à faire à une population aussi importante que celle du Nigeria, ou à l’insécurité qui affecte l’Afghanistan et le Soudan. Ici, il s’agit davantage d’une question de volonté politique et sociétale ».
Selon lui, la polio pourrait être éradiquée en six mois si le gouvernement s’y engageait à tous les niveaux.
L’engagement du gouvernement
Au niveau international, davantage d’efforts sont réalisés pour éradiquer la polio : les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) ont établi un centre d’opération d’urgence basé en Afrique et chargé de s’attaquer aux crises de santé publique, y compris la polio.
En attendant, l’Initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite – à laquelle participent l’OMS, l’UNICEF, les CDC, la Fondation Bill & Melinda Gates et la Fondation Rotary – a déclaré l’achèvement de l’éradication du poliovirus « urgence programmatique pour la santé publique mondiale ».
Le gouvernement tchadien semble prendre la polio au sérieux : le président Idriss Déby a souligné l’importance de la lutte contre la polio, et lancé le plan d’action d’urgence de six mois pour l’éradication de la polio (celui-ci sera renouvelé pour une nouvelle période de six mois). Il ciblera les régions à haut risque et analysera ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.
Cependant, l’engagement au niveau des districts et des sous-districts est faible, selon le personnel d’une agence humanitaire. Les autorités nationales doivent tenir le personnel « sous-national » responsable de ses performances, a dit M. Rosenbauer. « Le virus ne suit pas les limites des districts, il faut donc un haut degré d’engagement dans chaque district », a-t-il dit à IRIN.
Les journalistes d’IRIN n’ont pas réussi à joindre des membres du ministère de la Santé.
Sans un engagement du gouvernement au niveau local, les efforts d’éradication échoueront, dit M. Rosenbauer. Le nombre de cas signalés au Nigeria est passé de 21 à 57 entre 2010 et 2011, notamment parce que les autorités locales se sont concentrées sur les élections présidentielles ; les violences électorales ont retardé les efforts pour éradiquer les 36 cas signalés en Côte d’Ivoire en 2011.
Et tant que la polio ne sera pas éradiquée au Nigeria et au Tchad, tous les pays d’Afrique de l’Ouest seront exposés à un risque élevé, selon l’OMS. « On note des lacunes en matière de vaccination dans de nombreux pays – la maladie peut frapper dans les régions les plus inattendues … c’est pour ça que c’est une maladie dangereuse ».
L’épidémie qui touche actuellement le Tchad a débuté en 2007, le pays est donc classé comme « une zone de transmission re-établie » selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). La polio est endémique au Nigéria, au Pakistan, en Inde et en Afghanistan – en d’autres mots, la transmission de la maladie n’a jamais été interrompue dans ces pays.
Si la faible couverture vaccinale systématique est due au mauvais fonctionnement du système de santé, « la principale raison [de la flambée] reste opérationnelle », a dit Oliver Rosenbauer, porte-parole de l'Initiative mondiale pour l'éradication de la poliomyélite de l’OMS à Genève. « Elle n’a rien à voir avec l’insécurité ou le manque d’infrastructures … La réponse à l’épidémie n’a pas été suffisante pour y [l’épidémie] mettre fin … Beaucoup trop d’enfants continuent d’échapper à la vaccination ».
Pourquoi des enfants échappent à la vaccination
Les vaccinateurs ont du mal à atteindre tous les enfants à vacciner pour différentes raisons : dans certains cas, le personnel ou les bénévoles du gouvernement et des agences ont mal cartographié les zones où les enfants vivent ou ils ont commandé trop peu de vaccins ou trop peu d’accumulateurs de froid pour pouvoir couvrir chaque district, a indiqué l’OMS. Souvent, les communautés ne sont pas sensibilisées correctement et à temps, si bien que les familles sont réticentes à amener leurs enfants ; certaines familles s’opposent à la vaccination pour des motifs religieux, ou elles ne savent tout simplement pas qu’elles peuvent faire vacciner un enfant même si il ou elle est malade, a dit Irina Dincu, spécialiste de la communication pour le développement de l’OMS et de l’UNICEF en Afrique de l’Ouest.
L’erreur humaine joue également un rôle, a ajouté Mme Dincu, expliquant qu’un vaccinateur mal formé peut décider de faire une pause en route et ainsi briser la chaîne du froid, ou une équipe peut oublier quelques maisons dans un village.
Une épidémie du virus de la polio ne se propagerait pas autant si la couverture vaccinale systématique était plus efficace, a dit M. Rosenbauer. Les vaccinations contre la polio doivent être effectuées avec rigueur : les vaccinateurs doivent se déplacer de maison en maison et administrer quatre doses à chaque enfant sur une période de six à 12 mois, atteignant ainsi 90 pour cent de tous les enfants pour éradiquer la polio, selon l’OMS.
Selon les estimations, les taux de couverture s’élèvent à 60 pour cent au plus au Tchad, notamment en raison de la qualité médiocre du système de santé : seulement 30 pour cent des cliniques de santé du pays sont opérationnelles ; l’accès aux soins de santé est faible et les stratégies de vaccination systématiques sont mal planifiées.
L’approche de la marraine
Afin de garantir qu’un maximum d’enfants soient vaccinés, les vaccinateurs doivent faire une meilleure utilisation des « données sociales » pour comprendre pourquoi et où une campagne ne fonctionne, indique Mme Dincu. Auparavant, les agences avaient une approche purement médicale de la vaccination contre la polio, mais cela n’est plus le cas aujourd’hui. « Les campagnes de vaccination ne sont pas seulement une intervention médicale. Les campagnes doivent être abordées sous un angle médical, politique et sociétal », a dit M. Rosenbauer.
Les données sociales ont été utilisées de manière créative en Inde et au Nigeria afin d’aider les vaccinateurs à atteindre davantage d’enfants, selon l’UNICEF. Dans l’État de Kebbi, au Nigeria, chaque foyer s’est vu assigner une « marraine » qui venait régulièrement avant la vaccination pour parler de la maladie et expliquer pourquoi la vaccination est importante. En étudiant les données après la vaccination afin de trouver les enfants qui n’avaient pas été vaccinés, les « marraines » étaient capables de les identifier par leur adresse, leur nom et leur âge, et de les retrouver plus facilement.
Ces approches pourraient être mises en œuvre au Tchad, disent les practiciens, car en dépit de la faiblesse du système de santé, la polio ne devrait pas être si difficile à contrôler, dit M. Rosenbauer. « Nous n’avons pas à faire à une population aussi importante que celle du Nigeria, ou à l’insécurité qui affecte l’Afghanistan et le Soudan. Ici, il s’agit davantage d’une question de volonté politique et sociétale ».
Selon lui, la polio pourrait être éradiquée en six mois si le gouvernement s’y engageait à tous les niveaux.
L’engagement du gouvernement
Au niveau international, davantage d’efforts sont réalisés pour éradiquer la polio : les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) ont établi un centre d’opération d’urgence basé en Afrique et chargé de s’attaquer aux crises de santé publique, y compris la polio.
En attendant, l’Initiative mondiale pour l’éradication de la poliomyélite – à laquelle participent l’OMS, l’UNICEF, les CDC, la Fondation Bill & Melinda Gates et la Fondation Rotary – a déclaré l’achèvement de l’éradication du poliovirus « urgence programmatique pour la santé publique mondiale ».
Le gouvernement tchadien semble prendre la polio au sérieux : le président Idriss Déby a souligné l’importance de la lutte contre la polio, et lancé le plan d’action d’urgence de six mois pour l’éradication de la polio (celui-ci sera renouvelé pour une nouvelle période de six mois). Il ciblera les régions à haut risque et analysera ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.
Cependant, l’engagement au niveau des districts et des sous-districts est faible, selon le personnel d’une agence humanitaire. Les autorités nationales doivent tenir le personnel « sous-national » responsable de ses performances, a dit M. Rosenbauer. « Le virus ne suit pas les limites des districts, il faut donc un haut degré d’engagement dans chaque district », a-t-il dit à IRIN.
Les journalistes d’IRIN n’ont pas réussi à joindre des membres du ministère de la Santé.
Sans un engagement du gouvernement au niveau local, les efforts d’éradication échoueront, dit M. Rosenbauer. Le nombre de cas signalés au Nigeria est passé de 21 à 57 entre 2010 et 2011, notamment parce que les autorités locales se sont concentrées sur les élections présidentielles ; les violences électorales ont retardé les efforts pour éradiquer les 36 cas signalés en Côte d’Ivoire en 2011.
Et tant que la polio ne sera pas éradiquée au Nigeria et au Tchad, tous les pays d’Afrique de l’Ouest seront exposés à un risque élevé, selon l’OMS. « On note des lacunes en matière de vaccination dans de nombreux pays – la maladie peut frapper dans les régions les plus inattendues … c’est pour ça que c’est une maladie dangereuse ».
Source : http://irinnews.org/fr